Brexit, partis pour rester ou restés pour partir?

23 avril 2019

Frédéric Rollin
Sans délai, l’Union européenne a ajouté un nouveau délai au délai. Les Britanniques devront voter aux élections européennes trois ans après avoir voté leur sortie de l’Union… à moins que l’ombre d’un accord mi-May mi-Corbyn ne fasse peur aux Brexiteurs les plus durs et qu’ils ne cèdent avant juillet aux pressions de Theresa May. Le sachant bien, Jeremy Corbyn risque d’ailleurs de se montrer peu enthousiaste lors des négociations.

L’horloge tourne à vide et l’éventail des scénarios reste ouvert. Les Anglais sont-ils partis pour rester ou restés pour partir ? Nul ne le sait. Un consensus semble néanmoins acquis. Un Brexit dur aurait un impact fortement négatif sur l’économie britannique.
Mais à quel point ? Voici quelques éléments de réflexion.
Que se passerait-il en cas de sortie sans accord ? L’impact serait bien entendu beaucoup plus fort pour les Britanniques que pour les Européens. La zone euro représente 44%1 du commerce extérieur britanniques, contre 13% dans le sens inverse2.
En cas de sortie, les Britanniques devraient appliquer les tarifs à l’importation de la nation la plus favorisée négociés dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Et ces derniers sont plutôt bas. La moyenne des tarifs sur les importations britanniques, qui s’établit aujourd’hui à 1,8%, passerait alors à 3,1%. Modeste protection, d’autant que dans un premier temps, aucune mesure spécifique ne pourrait être adoptée pour leur agriculture ou leurs industries les plus fragiles. Chaque modification de tarif devrait être négociée avec leurs partenaires.
En revanche, les tarifs à l’exportation pourraient augmenter dans des secteurs critiques. Les équipementiers et fabricants automobiles britanniques, qui exportent aujourd’hui en zone euro au tarif préférentiel, souffriraient d’un tarif douanier très supérieur. L’Europe a effectivement à cœur de protéger son industrie automobile, bassin d’emplois. Une hausse de prix pourrait être disqualifiante dans ce secteur et les conséquences se font d’ailleurs déjà sentir. En février, le groupe japonais Honda remettait en effet en cause l’existence de son implantation historique de Swindon. Quelques 3.500 emplois sont menacés3. Auparavant, Nissan avait annoncé qu’elle renonçait à installer à Sunderland la production de son modèle de X-Trail. Notons qu’au total, 56% des voitures construites au Royaume-Uni sont exportées dans la zone euro1.
Les barrières non tarifaires pourraient quant à elles avoir un impact très important.
Les passeports dont bénéficient les entreprises financières basées en Grande-Bretagne expireront avec l’appartenance à l’Union européenne (UE). Le pays devra négocier une alternative pour que les institutions financières conservent leur accès au-delà du temps nécessaire à la transition. C’est important: d’après le FMI, un quart des produits financiers produits au Royaume-Uni sont liés à des clients de l’UE et les deux tiers de l’activité des marchés des 27 se situent au Royaume-Uni4. L’une des possibilités, souvent évoquée dans les médias, est celle des accords dits d’équivalence applicables dans l’assurance et la finance. Toutefois, il subsiste une grande incertitude quant à la faisabilité et aux avantages de tels accords dans un contexte post-Brexit.
Notons enfin que l’impact sur les flux migratoires se fait déjà sentir. Le flux de travailleurs de la zone vers le Royaume-Uni a drastiquement baissé. Ces flux sont remplacés par des flux migratoires hors UE. Effectivement, le taux de chômage britannique est au plancher et, pour maintenir une croissance satisfaisante, le Royaume-Uni a besoin aujourd’hui d’importer de la main d’œuvre.
Frédéric Rollin est Senior Investment Adviser chez Pictet Asset Management
Source: Pictet Asset Management et ONS
[1] FMI, 4 décembre 2018, «Une trajectoire idéale, les effets du Brexit sur différents secteurs de l’économie britannique»
[2] FMI, 10 août 2018, «Les conséquences à terme du Brexit pour l’Union européenne»
[3] Le Figaro, 18 février 2019, «L’ombre du Brexit plane sur la fermeture de l’usine Honda de Swindon»
[4] FMI, 29 mai 2017, «Chart of the week: Brexit and the city»

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