« Jouer sa peau »

27 octobre 2019

Alain Deladrière & Michel Klompmaker
Jouer sa peau (Skin in the game) était le titre du Congrès BZB-Fedafin organisé récemment à Bruxelles. C’est aussi celui d’un livre de Nassim Nicholas Taleb, dont l’auteur à succès était orateur invité. A l’issue de sa présentation, nous avons pu participer à un échange sous la forme de questions-réponses dont voici quelques brèves réflexions. Ancien trader, Nassim Nicholas Taleb est devenu écrivain à succès, chercheur et auteur d’articles scientifiques. Il se consacre à la pensée probabiliste et enseigne le risque à l’Ecole d’ingénieurs de New York University. Dans « Jouer sa peau, Asymétries cachées dans la vie quotidienne », il traite de quatre sujets en un seul : l’incertitude et la fiabilité de la connaissance, la symétrie dans les affaires humaines, le partage d’informations dans les transactions et la rationalité dans les systèmes complexes et dans le monde réel. Il faut, dit-il, mettre plus sa peau en jeu. Avoir quelque chose à perdre, accepter le risque est une règle essentielle du jeu. A lire ou relire…

Sommes-nous plus fragiles?  « Oui. Le vrai risque? Le gros problème de la connectivité – souvenez-vous j’ai parlé d’Ebola – si quelqu’un prend un vol du Gabon à Paris, à la fin de la journée, vous pouvez contaminer 2000 personnes à travers la planète. Dans le passé, la peste bubonique parcourait en moyenne 20 miles par jour. Pour éviter la contagion, vous devez déglobaliser. La bonne nouvelle est que le gros risque n’est pas financier… »
Echanges
Pensez-vous que nous devons repenser également d’autres systèmes? La santé même la politique?
Nassim Nicholas Taleb : « La Belgique est déjà décentralisée. C’est un petit pays avec des gouvernements différents. Politiquement, vous valez la peine. Dans des endroits comme l’Amérique, c’est l’inverse. Sous Obama, nous avons centralisé. Or le ‘local’ est une solution qui permet aux gens d’avoir un gouvernement qui leur convient. C’est aussi plus stable. Et la rébellion au Royaume-Uni contre l’UE n’est peut-être pas tant une rébellion contre l’Europe qu’une rébellion contre le système centralisé de Bruxelles. Dans mon livre, je disais ceci: il y a une grande différence entre échelle et système… »
Nous savons qu’il y a 10 ou 20 ans, les banques n’avaient aucun skin in the game (ne jouaient par leur peau). Y a-t-il une évolution?
Nassim Nicholas Taleb : « Une énorme évolution! Et les gens ne le savent pas. Aux États-Unis, les risques ont maintenant été complètement sous-traités à des hedge funds (fonds de couverture). Et ces fonds ont un attribut qui en vaut la peine, c’est que les partenaires des fonds ont généralement – et c’est une norme – plus de 50% de leurs actifs dans ceux-ci…»
«A propos: savez-vous que le système qui fonctionne le mieux dans le nord-est, ce sont les restaurants! Pourquoi ? On n’a jamais eu une crise de restaurant. Ils redémarrent tout le temps. »
Les hedge funds prennent-ils maintenant tous les risques?
Nassim Nicholas Taleb : « Le problème des hedge funds, c’est qu’ils se concentrent de plus en plus. Ils prennent des risques, les bons. Si ces fonds ne prennent pas de risques, cela signifie que cela ne vaut pas la peine de les prendre. »
Comment voyez-vous le secteur bancaire en Europe?
Nassim Nicholas Taleb : « La Banque devient tout à fait hors de propos. Les banquiers ont probablement fait beaucoup de marketing pour faire croire que le rôle des banques est vraiment nécessaire. La santé des banques devient sans importance. Ils sont l’extension des banques centrales. Mais mon problème n’est pas les banques mais le gouvernement… »
Oui, si vous parlez de risques financiers, de risques économiques à l’avenir. Mais il y a un autre risque: les risques de manipulation des électeurs par le gouvernement, par la connectivité mondiale.
Nassim Nicholas Taleb : « Oui. Permettez-moi de répondre d’abord que le risque est celui de la dette publique. Parce qu’en 2009, nous avons transféré le risque des banques aux gouvernements. Le problème est que de plus en plus, ils se mettent à l’écart du système. »…
Il y a le cas de la banque ABN AMRO aux Pays-Bas. Le gouvernement en possédait 56%. Ils veulent le vendre sur le marché. Interviennent maintenant deux ministères, le Ministère de la Justice qui a découvert un blanchiment d’argent et veut aussi être compétitif avec ING, et le Ministère des Finances qui a vu la valeur de la banque diminuer (quelques milliards d’euros).
Nassim Nicholas Taleb : « Le risque est l’effet des banques et maintenant, cela répercute sur les contribuables. »
Les livres de cet auteur forme une série intitulée Incerto avec : Le Hasard sauvage (2001, 2004),  le Cygne noir (2007, 2010), Le lit de Procuste (2010, 2016), Antifragile (2012) et Jouer sa peau (2017).
Sources : Livre : « Jouer sa peau » (Les Belles Lettres) et Congrès BZB-Fedafin

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