Bruno Colmant

Bruno Colmant

Professeur d'économie à l'université. Membre de l'Académie royale de Belgique. Stratège. Écrivain. Conférencier.

De Bonn à Paris, de Paris à Berlin

25 août 2015

A partir du moment où l’euro est une monnaie continentale, sa fondation repose sur un équilibre de forces contradictoires ressortissant à la nuit de l’histoire. Car, si on exclut l’épisode communiste, toute l’Europe est fondée sur l’opposition entre, d’une part, la France et, d’autre part, l’Allemagne auxquels il faut ajouter leurs pays satellites (la Belgique, pays artificiel s’il en est, est plutôt dans le magnétisme germanique, à tout le moins au niveau de sa dynamique économique).

Cette opposition est ancestrale : elle confronte les Empires austro-hongrois et allemand au Royaume de France, prolongé par les Républiques, l’artisan à l’agriculteur, le réformé au catholique, Luther à Léon X, le Germain au Latin, etc. La France est centralisatrice tandis que l’Allemagne est un équilibre politique régional, hérité des nombreuses principautés qui la composaient.

L’Allemagne et la France sont d’ailleurs des ennemis historiques et dont la paix est rendue compliquée par leur frontière commune. Au terme de la guerre 40-45, les Américains avaient même imaginé de créer un pays-tampon entre la France et L’Allemagne, du nom de Wallonie, qui se serait étendu du Pas-de-Calais à l’Alsace-Lorraine.

En deux siècles, ces deux pays se sont affrontés à de multiples reprises : les guerres napoléoniennes, l’absurde attaque de Napoléon III qui s’échoua dans un désastre tel que l’Empire allemand fut signé au Salon des glaces de Versailles, la première guerre mondiale qui solidifia les frontières et la seconde qui détruisit et sépara l’Allemagne à manière telle qu’elle dut abandonner sa souveraineté monétaire afin de recouvrer sa souveraineté territoriale lors du basculement à l’euro. L’Alsace et la Lorraine changèrent de camp et le mois de mai 68 s’embrasa à cause d’un allemand, Cohn-Bendit, alors que De Gaulle s’éclipsa à Baden-Baden, en Allemagne, pour assurer son retour plébiscité.

Aujourd’hui, la force de l’Allemagne entretient sa dominance économique tandis que la France permet de conserver une monnaie plus faible. Ces deux pays sont dans des dynamiques de fait complémentaires. Ils constituent même une dyarchie. Le futur de la monnaie unique se formulera entre Berlin et Paris, comme son avènement avait été négocié entre Paris et Bonn.

Bruno Colmant

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