Bruno Colmant

Bruno Colmant

Professeur d'économie à l'université. Membre de l'Académie royale de Belgique. Stratège. Écrivain. Conférencier.

Des taux d’intérêt négatifs sur certains carnets d’épargne ?

25 février 2016

Dans quelques jours, il est probable que la BCE baisse à nouveau ses taux de dépôts. En juin 2014, le BCE abaissa à -0,1% son taux de dépôt pour les banques commerciales, avant de le porter à -0,2 % en septembre 2014 et à -0,3 % en décembre 2015. Certains le voient à -0,6 % en décembre 2016. La question est désormais de savoir si les taux d’intérêt négatifs vont se diffuser aux dépôts bancaires des particuliers et des entreprises sous la pression politique et de la BCE? Je le crains. Il est probable que les dépôts réglementés de moins de 100.000 € soient protégés avec un taux d’intérêt plancher de 0,01 %, soit un point de base. Par contre, les dépôts de plus de 100.000 € pourraient éventuellement être affectés d’un taux négatif. Cette situation, indirectement imposée par la BCE, serait bien sûr extrêmement néfaste car l’épargne serait violentée.

Certains s’inquiètent d’un bank run, c’est-à-dire d’un retrait massif de dépôts, voire d’un mécontentement populaire. Je n’y crois pas. Les taux négatifs s’imposent à nous au travers de la BCE. Ce n’est donc pas une réalité contournable. Et la BCE détient le pouvoir régalien de fixer le prix de la monnaie. Le taux sera légèrement négatif et il s’exprimera comme prix de la sécurité de l’épargne plutôt que comme une rémunération du renoncement à la liquidité.

Mais après des taux d’intérêt négatifs sur les gros dépôts bancaires et des restrictions à l’usage des espèces (voire, à terme, la pénétration dans un monde sans cash), doit-on craindre que cette mesure s’étende à d’autres opérateurs financiers ? Ce n’est pas impossible. Je pense aux entreprises d’assurances-vie. Ces institutions sont des transformatrices de longue échéance. Des intérêts négatifs sur les sommes capitalisées seraient incontournables sachant que leur impact serait heureusement atténué par le fait que des assurances-vie privées ou professionnelles bénéficient actuellement d’un traitement fiscal favorable qui gommerait les taux d’intérêt négatifs. D’autres mesures de répression financières pourraient être imposées par les gouvernements aux entreprises d’assurances-vie: transformation obligatoire des capitaux en rentes, pénalisations fiscales accrues au retrait anticipé des capitaux, etc.

Dans tous les cas de figure, réalistes ou cauchemardés, il faut se rendre à l’évidence : la plongée dans des taux d’intérêt négatifs ne sera pas, comme je l’avais espéré, une approche temporaire. Je crains désormais que ce soit un mouvement lourd, profond et persistant. Faite d’avoir réussi à relancer l’inflation, la BCE l’impose par l’érosion de l’épargne. C’est un acte de répression financière. Mais il est intuitif : les dettes publiques sont trop élevées et leur absorption par l’épargne, au travers des bilans bancaires et de compagnies d’assurance, est inéluctable. Ces dettes seront financées par des dépôts et des réserves d’assurances ponctionnées par des taux d’intérêt négatifs.

Bruno Colmant

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