Et si… la dette et Donald Trump menaçaient la Chine ?

21 février 2017

Dong Chen

Si une chute de la croissance chinoise sous la barre des 6% ne fait pas partie de notre scénario pour 2017, l’hypothèse n’est toutefois pas à exclure compte tenu des difficultés croissantes auxquelles la Chine est confrontée.

Les énormes dettes accumulées par la Chine depuis la crise financière mondiale demeurent son plus grand défi à court terme. Selon nos estimations, le ratio d’endettement de la Chine atteignait 261% au troisième trimestre 2016, contre 145% fin 2008. Ces dettes concernent pour près de moitié – quelque 86.800 milliards de renminbis (12.600 milliards de dollars) – les entreprises non financières, mais l’endettement du secteur financier et des ménages progresse plus rapidement. Cet essor du crédit s’est accompagné de plusieurs déséquilibres: surcapacités des industries lourdes, bulle immobilière et croissance explosive du secteur bancaire parallèle notamment.

Les plus hautes autorités du pays ont récemment annoncé que la politique monétaire chinoise resterait prudente et neutre en 2017, visant avant tout à maîtriser les risques financiers et à freiner le développement de bulles d’actifs. Parallèlement, des mesures destinées à calmer le marché immobilier ont été adoptées, et la Banque populaire de Chine (PBoc) a permis/encouragé une hausse du taux du marché monétaire afin de réduire le levier d’endettement sur le marché obligataire. Dans ce contexte, l’éventualité d’une détente monétaire en 2017 paraît mince.

La hausse des taux d’intérêt et la décélération de la croissance du crédit sont presque inévitablement appelées à peser sur la croissance chinoise cette année. La bulle immobilière, amplifiée en 2016 par la hausse des prix immobiliers, sera de plus en plus difficile à soutenir, les acquéreurs potentiels restant sur la touche. Or, une correction majeure dans le secteur du logement, concevable dans certaines villes chinoises, pourrait sensiblement freiner la croissance de l’empire du Milieu en 2017, sur fond de ralentissement de la construction résidentielle. Dans le pire des cas, un effondrement des prix immobiliers pourrait même déclencher une crise financière, compte tenu du rôle capital que joue le secteur dans la création de crédit en Chine.

Le problème Trump

Exposée aux velléités protectionnistes de l’administration Trump, la Chine devrait connaître quelques difficultés en 2017 sur le plan extérieur. Durant la campagne électorale, le candidat républicain avait maintes fois critiqué les pratiques commerciales de la Chine, injustes à ses yeux et responsables des pertes d’emplois manufacturiers aux Etats-Unis, menaçant d’inscrire le pays sur la liste des manipulateurs de devises et d’appliquer des droits de douane punitifs sur les importations chinoises. Plusieurs des membres clés nommés par Donald Trump pour composer la nouvelle administration sont connus pour leur opinion défavorable sur les pratiques commerciales de la Chine. Peter Navarro, auteur d’un livre intitulé ‘Death by China: How America Lost Its Manufacturing Base’, s’est ainsi vu confier la responsabilité du Conseil national du commerce. Robert Lighthizer, avocat expérimenté qui a longtemps représenté le secteur de l’acier dans des litiges commerciaux (dont de nombreux contre la Chine), a quant à lui été nommé au poste de représentant au commerce extérieur. Compte tenu de l’inclination protectionniste de Donald Trump, il faut s’attendre à ce que les Etats-Unis déposent de nouvelles plaintes pour dumping à l’encontre de la Chine et à ce que certaines exportations chinoises soient soumises à d’importants droits de douanes.

Donald Trump s’est par ailleurs dit prêt à tirer profit de questions sensibles, telles que celle de Taïwan, pour contraindre la Chine à davantage de concessions sur le plan commercial. Remettant en cause le principe d’une « Chine unique », ses récentes déclarations au sujet de Taïwan s’écartent du cadre diplomatique établi sous la présidence de Richard Nixon, il a y a plus de 40 ans. Des changements sur le plan diplomatique pourraient nuire aux relations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, voire alimenter les tensions géopolitiques si la situation était mal gérée.

Moyennant un contrôle vigoureux du système financier, les autorités chinoises devraient parvenir à assainir les problèmes de dette du pays dans un avenir proche, et rien ne dit qu’à l’épreuve du pouvoir, l’administration Trump pourra mettre à exécution toutes les menaces protectionnistes brandies par le candidat républicain durant la campagne électorale. Mais nous ne pouvons pas prendre les risques de baisse à la légère pour autant. Nous continuerons donc de suivre l’évolution de la situation en Chine et en parallèle, nous nous tenons prêts à repositionner nos portefeuilles.

Dong Chen est économiste Asie senior chez Pictet Wealth Management

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