Bruno Colmant

Bruno Colmant

Professeur d'économie à l'université. Membre de l'Académie royale de Belgique. Stratège. Écrivain. Conférencier.

Et si l’intelligence artificielle balayait le monde ?

05 septembre 2017

Depuis plusieurs semaines, les avertissements de créateurs d’entreprises d’envergure mondiale se multiplient au sujet de l’intelligence artificielle. Certains, tel Bill Gates, avaient même plaidé, pour la taxation des robots. Que se passe-t-il ? Progressivement, les façonneurs du 21eme siècle se rendent compte que le choc social qui va frapper nos économies est titanesque. Comme me le faisait remarquer un des figures de proue du patronat belge, on aurait pu croire que la digitalisation, qui conduit essentiellement à une automation améliorée des tâches humaines, allait, à terme, créer autant d’emplois qu’elle n’allait en détruire.

Mais l’intelligence artificielle, c’est différent : ce sont des métiers, relevant essentiellement de la classe moyenne, qui vont disparaitre car un système (qui deviendra un écosystème) va balayer des métiers d’expertise intellectuelle ou, plus généralement, des métiers d’expérience. Or ces métiers représentent la majorité de ceux qui relèvent de l’économie tertiaire…c’est-à-dire la nôtre.

De quoi parle-t-on ? Des métiers à diagnostic : toute la matière juridique (avocats, magistrats), médecins non spécialisés, économistes appliquées et purs, etc. Mais, plus généralement, de tout métier d’appréciation. Même les métiers de création (que je voyais être épargnés par la digitalisation) vont être touchés par l’intelligence artificielle. Depuis longtemps, des artistes ne se rassemblent plus physiquement pour enregistrer des albums.

Aujourd’hui, l’intelligence artificielle crée des mélodies surprenantes. Bien sûr, tout cela ne remplacera pas le génie des Beatles ou de Pink Floyd. Mais c’est justement, au risque d‘en faire une généralisation, ce qui va se passer : il y aura toujours des humains dont la pensée s’élèvera dans des ruptures, mais la création anodine, d’accoutumance, va être affectée.
Et ceci est valable pour la peinture, l’écriture (des journaux sont désormais crées par cette intelligence artificielle), etc… A nouveau, pas pour les artistes d’exception, mais bien pour la « classe moyenne » de la création.

Tout ceci posera un problème social majeur. C’est un ferment d’exaspération, et donc de violences civiles. Car ce nouveau monde n’est plus sous le contrôle de nos gouvernants. L’économie digitale permet aux créateurs de ce nouvel environnement d’être hors de portée physique de ses victimes. Ce sera peut-être le basculement dans un monde de science-fiction dont on n’arrive pas, aujourd’hui, à mesurer les effets.

Mais faut-il s’en étonner ? Certains dirigeants de Google parlent d’humanité 2.0, avec la vision messianique de transformer le monde…et même d’annihiler la mort.
Cette vision transhumaniste rappelle le gnosticisme, courant religieux qui avait postulé que l’imperfection du monde ne pouvait qu’être l’œuvre d’un démiurge dissident qui avait temporairement usurpé les pouvoirs du vrai Dieu.

Dieu avait donc un Dieu.

Google serait-il ce Dieu…avant que l’homme et son « créateur » se rebellent ?

Il est temps de bien réfléchir…

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