La Commission européenne a engagé ce jour une procédure d'infraction en adressant à la Pologne une lettre de mise en demeure concernant le nouveau régime disciplinaire pour les juges

05 avril 2019

La Commission européenne a engagé ce jour une procédure d’infraction en adressant à la Pologne une lettre de mise en demeure concernant le nouveau régime disciplinaire pour les juges. Le gouvernement polonais dispose d’un délai de deux mois pour répondre. Le nouveau régime disciplinaire porte atteinte au principe de l’indépendance des juges polonais car il n’offre pas les garanties nécessaires pour les mettre à l’abri de tout contrôle politique, comme l’exige la Cour de justice de l’Union européenne. Tout d’abord, la Commission estime que la Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l’article 19, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui consacrent le droit à un recours effectif devant un tribunal indépendant et impartial.

Le droit polonais permet de soumettre les juges des tribunaux ordinaires à des enquêtes disciplinaires, à des procédures et finalement à des sanctions, en raison du contenu de leurs décisions judiciaires. En outre, le nouveau régime disciplinaire ne garantit pas l’indépendance et l’impartialité de la chambre disciplinaire de la Cour suprême qui examine les décisions prises dans le cadre des procédures disciplinaires ouvertes contre des juges. La chambre disciplinaire est composée uniquement de nouveaux juges sélectionnés par le Conseil national de la magistrature dont les juges membres sont désormais nommés par la chambre basse du Parlement polonais (Diète).
Par ailleurs, le nouveau régime disciplinaire ne garantit pas qu’un tribunal «établi par la loi» statuera en première instance sur une procédure disciplinaire à l’encontre d’un juge ordinaire, puisqu’il habilite le président de la chambre disciplinaire à déterminer, sur une base ad hoc et avec un pouvoir discrétionnaire quasi illimité, le tribunal de première instance habilité à connaître d’une affaire donnée. De plus, le nouveau régime disciplinaire des juges restreint les droits procéduraux des justiciables dans les procédures disciplinaires. Le nouveau régime ne garantit plus que les affaires seront traitées dans un délai raisonnable, ce qui permet au ministre de la justice et au président de la République de maintenir en permanence les charges pendantes contre les juges par l’intermédiaire des agents disciplinaires qu’ils auront nommés. En outre, le nouveau régime affecte les droits de défense des juges.
Enfin, la Commission estime que la Pologne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui consacre le droit des juridictions d’adresser des demandes préjudicielles à la Cour de justice de l’UE. Les évolutions observées en Pologne montrent que le nouveau régime disciplinaire permet de soumettre des juges à des procédures disciplinaires en raison du contenu de leurs décisions judiciaires, et notamment des décisions de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle. Étant donné que les juges ne sont pas à l’abri de sanctions disciplinaires lorsqu’ils exercent ce droit consacré par l’article 267 du TFUE, le nouveau régime crée un effet dissuasif pour ce qui est du recours à ce mécanisme. Le fonctionnement du mécanisme de renvoi préjudiciel – qui est la pierre angulaire de l’ordre juridique de l’Union – exige que les juridictions nationales soient libres de saisir la Cour de justice de toute question préjudicielle qu’elles estiment nécessaire, à quelque stade que ce soit de la procédure.
Le gouvernement polonais dispose maintenant d’un délai de deux mois pour répondre à la lettre de mise en demeure de la Commission.
Contexte
L’état de droit est l’une des valeurs communes sur lesquelles est fondée l’Union européenne et à laquelle adhèrent tous les États membres. Il est consacré à l’article 2 du traité sur l’Union européenne. Il est également essentiel pour le fonctionnement de l’UE dans son ensemble, par exemple en ce qui concerne le marché intérieur, la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures et la garantie que les juges nationaux qui sont également des «juges de l’UE» puissent remplir leur rôle en assurant l’application du droit de l’Union et puissent interagir correctement avec la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre des procédures préjudicielles. Conjointement avec les autres institutions et avec les États membres, la Commission européenne est chargée, en vertu des traités, de garantir l’état de droit en tant que valeur fondamentale de l’Union, et de veiller au respect du droit, des valeurs et des principes de l’Union.
Les événements survenus en Pologne ont incité la Commission européenne à engager un dialogue avec le gouvernement polonais en janvier 2016 conformément au cadre pour l’état de droit. Le processus est fondé sur un dialogue permanent entre la Commission et l’État membre concerné. La Commission informe régulièrement le Parlement européen et le Conseil.
Le 20 décembre 2017, compte tenu de l’absence de progrès après l’activation du cadre pour l’état de droit, la Commission a déclenché pour la première fois la procédure prévue à l’article 7, paragraphe 1, et a présenté une proposition motivée de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la Pologne, de l’état de droit. Il y a déjà eu plusieurs débats (26 mai et 16 octobre) et trois auditions sur l’état de droit en Pologne entre les États membres au Conseil «Affaires générales» (26 juin, 18 septembre et 11 décembre).
En outre, le 2 juillet 2018, la Commission a engagé une procédure d’infraction concernant la loi polonaise sur la Cour suprême, en raison des dispositions de ladite loi concernant le départ à la retraite et de leur incidence sur l’indépendance de la Cour suprême. La Commission a saisi la Cour de justice de l’UE le 24 septembre 2018. Le 17 décembre 2018, la Cour de justice a rendu une ordonnance imposant des mesures provisoires visant à faire cesser l’application de la nouvelle loi polonaise relative à la Cour suprême.
Le 29 juillet 2017, la Commission a engagé une procédure d’infraction concernant la loi polonaise sur les juridictions de droit commun, en raison des dispositions de ladite loi concernant le départ à la retraite et de leur incidence sur l’indépendance du pouvoir judiciaire. La Commission a saisi la Cour de justice de l’UE le 20 décembre 2017.

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