Bruno Colmant

Bruno Colmant

Professeur d'économie à l'université. Membre de l'Académie royale de Belgique. Stratège. Écrivain. Conférencier.

La dette américaine et l’ombre des BRICS : vers l’implosion et un nouvel ordre mondial ?

05 septembre 2023
Banque de connaissances

Au risque de saturer (et de présenter mes excuses auprès de) mes lecteurs avec des textes qui relèvent de la même veine, je voudrais revenir sur cette évolution géopolitique des BRICS et des fragilités américaines. Je résume lapidairement les choses. Des pays se regroupent, certes de manière souple et aux aboutissements incertains, pour établir une nouvelle polarité mondiale : les BRICS étendus. On parle de 3,2 milliards d’individus et de 6 des 9 principaux producteurs de pétrole (les 3 autres étant les États-Unis, le Canada et l’Irak). Ces pays envisagent (et, à nouveau, c’est un lointain projet) de réformer le système monétaire sur d’autres bases, à savoir des référents fondés sur le pétrole et l’or. Cette idée de l’étalon-or, tel que nous l’avons connu dans le monde occidental entre 1944 et 1971, a, à plusieurs reprises, été soulevée par des responsables chinois.

À côté de cela, nous avons les États-Unis dont l’endettement public et les déficits sont hors de contrôle (la dette publique américaine devrait représenter 180 % du PIB américain dans 30 ans), à savoir qu’ils ne peuvent être apurés que par l’inflation, le défaut (sachant que seuls 25 % de la dette américaine est détenue par des créanciers étrangers)… ou l’expansion monétaire du dollar qui est fondée sur leur impérialisme monétaire ALORS que ce dernier est mis en cause par les BRICS.

Exprimée sous une autre forme, la dette publique américaine n’est plus arrimée à une créance exigible. C’est une fuite en avant que seuls les États-Unis puissent se permettre puisqu’ils émettent la devise de réserve du monde.

Pour prendre la mesure du phénomène, il faut savoir que la dette publique américaine représente (très approximativement) 30 % du PIB mondial (ce chiffre étant biaisé par la monétisation de la dette américaine), alors que les chiffres correspondants en 1990, 2000 et 2010 étaient respectivement de 15 %, 17 % et 18 %.

Donc, on pourrait imaginer (et je sais que je me répète et que j’angoisse peut-être inutilement mes lecteurs) un défaut sur la dette extérieure des États-Unis ou un effondrement du dollar lié à une perte de confiance dans l’hégémonie américaine, la stabilité institutionnelle ou simplement à une posture isolationniste. Les débats politiques américains portant sur le plafond de la dette fédérale illustrent parfaitement une autre réalité : l’impôt américain ne suffit plus à combler un gigantesque déficit budgétaire. La dette publique américaine ne peut et ne sera pas non plus soutenue par la croissance du PIB ou les recettes fiscales ce qui signifie inévitablement la dépréciation du dollar et sa perte de crédibilité.

Ce jour-là, c’est un choc systémique, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y échapper ou le diversifier. Est-ce une raison pour écarter la réflexion sur ce sujet ? Aucunement : les responsables financiers et politiques de tous bords DOIVENT se poser cette question.



Laissez une réponse

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués *