La reflation au secours des banques

03 mars 2017

Yann Goffinet

L’augmentation des taux d’intérêt serait favorable au secteur bancaire européen. La performance des banques européennes en 2016 s’analyse en deux périodes distinctes.

Au premier semestre, le secteur bancaire a été la lanterne rouge de l’indice Stoxx Europe 600. C’était le moment du lancement d’un nouveau programme d’assouplissement quantitatif (QE) par la BCE et de la décision des Britanniques de quitter l’Union européenne lors du référendum sur le Brexit. Ces deux facteurs ont contribué à la forte baisse des taux d’intérêt en Europe.

Au second semestre, en revanche, les banques ont effacé l’essentiel de leur sous-performance du semestre précédent, les rendements obligataires, au plus bas en juillet, ayant progressé des deux côtés de l’Atlantique, parallèlement à l’amélioration des chiffres économiques. Aux Etats-Unis, la remontée des rendements obligataires a par ailleurs été renforcée par l’élection de Donald Trump. On a constaté en 2016 une forte corrélation entre la performance relative des banques européennes et les anticipations d’inflation. Une corrélation tout aussi étroite aurait pu être établie entre la performance relative des banques européennes et les rendements des obligations américaines.

Les banques prospèrent dans un environnement de reflation….

Imaginez un monde simplifié avec des taux d’intérêt de 3,5% et des banques de détail rémunérant les dépôts de leurs clients à 2%. Dans ce monde, les banques empochent la différence de 1,5%, qui forme une part de leur marge nette d’intérêts. Or, dans un scénario différent, avec des taux d’intérêt inférieurs à 1,5%, les banques hésiteront à faire payer les clients qui déposent de l’argent chez elles. Leurs marges sur les dépôts commenceront donc à s’éroder. En cas de taux de base négatifs, les banques pourront être confrontées à des marges négatives sur les dépôts. C’est la situation dans laquelle les banques européennes se sont retrouvées en 2016, en particulier après la réduction par la BCE de son taux de facilité de dépôt à -0,40%, en mars.

Dans le domaine des prêts, les marges se sont mieux tenues. Toutefois, les banques de la zone euro n’ont généralement pas réussi à compenser les marges plus faibles sur les dépôts par une augmentation des marges sur les prêts (à la différence des banques suédoises et suisses). L’aplatissement de la courbe des rendements, qui a accompagné le QE de la BCE, a dégradé davantage encore les marges des banques. La duration des actifs des banques étant plus longue que celle de leurs passifs (la maturité des prêts a tendance à être plus longue que celle des dépôts), l’aplatissement de la courbe des rendements entraîne une diminution des produits d’intérêts. S’ajoutant aux exigences plus strictes en matière de fonds propres depuis la crise financière, cette pression sur les produits nets d’intérêts, qui demeurent la principale source de revenu des banques de la zone euro (environ 60%), explique le faible niveau des rendements des fonds propres (RoE). Le RoE moyen dans le secteur bancaire européen s’est établi à environ 5% en 2015/16, à comparer avec un RoE moyen de 12,5% pour les sociétés du Stoxx Europe 600. Autrement dit, avec des taux négatifs et une courbe des rendements plate, les banques ne peuvent pas couvrir le coût de leurs infrastructures (informatique, agences, personnel) et atteindre dans le même temps des rentabilités à deux chiffres.

mais le coup du trading facile sur la reflation a déjà été joué

Par conséquent, le tournant en matière de taux d’intérêt et d’anticipations d’inflation, pris au cours du second semestre 2016, a constitué un soulagement pour les banques européennes, apaisant les pires craintes à propos des bénéfices futurs. Du point de vue des valorisations, le multiple cours-bénéfices auquel s’échangent les titres des banques, par rapport à l’ensemble du marché actions, est passé de 0,6x en été 2016 à 0,8x, retrouvant en quelques mois sa moyenne de long terme.

La rapidité de la revalorisation des banques semble indiquer que les paris faciles sur la reflation ont déjà été pris. Même si la revalorisation se poursuivait et que les multiples cours-bénéfices relatifs des banques passaient au-dessus de leur moyenne à long terme, il faudrait désormais une vague de relèvements des prévisions bénéficiaires pour stimuler la performance du secteur bancaire européen (jusqu’à présent, les bénéfices se sont simplement stabilisés après une longue période de baisse).

Les mois à venir montreront si l’optimisme, face à la croissance et aux taux d’intérêt, particulièrement évident depuis l’élection de Donald Trump, est justifié. Néanmoins, les taux d’intérêt mondiaux ont peut-être touché le fond en 2016, si bien que l’environnement des banques pourrait désormais devenir progressivement moins difficile et se normaliser. Une telle évolution justifierait d’augmenter sélectivement l’exposition des portefeuilles aux banques. Quant aux banques exposées au marché à l’origine de la hausse des taux d’intérêt, les Etats-Unis, elles pourraient rester attractives – au moins aussi longtemps que la BCE poursuivra son programme d’assouplissement quantitatif.

Yann Goffinet est analyste financier senior chez Pictet Wealth Management

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