Bruno Colmant

Bruno Colmant

Professeur d'économie à l'université. Membre de l'Académie royale de Belgique. Stratège. Écrivain. Conférencier.

Migrants : hier et aujourd’hui, là-bas et ici

30 août 2015

La crise des migrants est importante, fractale. Inattendue, elle constitue un facteur de disruption. Elle est épouvantable. Affecté d’un tropisme domestique, nous écartons ce qui ne ressortit pas à nos réalités. Nous croyions l’Europe immunisée des guerres lointaines et géographiquement protégée par le Bosphore et Gibraltar. Pourtant, c’est une autre réalité qui s’impose. Le lointain devient proche.

Et hier devient aujourd’hui. 71 morts de suffocation dans un camion rappellent les wagons blindés qui partaient, il y a une septantaine d’années, vers la Pologne. Mais, aujourd’hui, c’est l’Allemagne qui accueille près d’un million de réfugiés. Réalise-t-on que ce pays va augmenter, en près d’un an, sa population d’un pourcent, malgré le fait que la chancelière allemande ait dit, en octobre 2010, que le modèle allemand d’intégration multiculturel était un échec ?

Quel défi pour le plus puissant pays d’Europe. Cette crise de la migration est une chance et un risque pour l’Europe. C’est la chance de redynamiser une force de travail vieillissante et déclinante, moyennant une intégration intelligente. C’est aussi un risque de perte d’identités entrainant une impétuosité et un repli identitaire.

Notre siècle sera-t-il apaisant ?

Je ne le crois pas. Tout se met en place pour alimenter les replis identitaires, les égoïsmes, les pertes de civilités dont certains espèrent sortir gagnant, alors que tous nous en sortirions perdant. A moins de vérifier que l’exclusion et l’ostracisme soient des choix démocratiques, et donc partagés, quelle société voulons-nous ? Une société d’ouverture, dans l’intelligence de la justice et de la sécurité ? Ou bien une société ostracisant qui fragmente les classes sociales, les attachements territoriaux, les affinités linguistiques et culturelles ?

Un de mes ancêtres maternel était un exilé moldave, victime de pogroms, et spolié par les soldats de Napoléon. Accueilli en Belgique, son arrière-petit-fils devient, par son labeur et son acharnement, bourgmestre de Verviers, à l’époque l’une des plus florissantes villes du monde.

C’était un migrant.

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