Réforme de la Loi bancaire et gouvernance : Un Conseil d'administration à présent épaulé par quatre Comités consultatifs (2)

29 février 2016

Alain Deladrière
Dans l’article précédent, dans le cadre de la Réforme de la Loi bancaire et le mémorandum de gouvernance que doivent établir les établissements de crédit en se référant au Manuel de gouvernance de la BNB, nous avions présenté le nouveau look du Conseil d’administration. Nous nous proposons de poursuivre avec Jean-Pierre Buyle en analysant les missions du Comité de direction et des quatre Comités de consultation.
A côté du Comité de direction, la Loi bancaire a confirmé la nécessaire existence de quatre Comités consultatifs à créer au sein du Conseil d’administration.
Risk&Compliance Platform Europe : Quelles sont les modifications apportées par la Loi bancaire à l’égard de ces Comités ?
Comité de direction
Jean-Pierre Buyle : « Avant la Réforme bancaire, le Comité de direction était facultatif. Il est aujourd’hui en principe obligatoire pour tous les établissements de crédit. Donc à côté du Comité d’administration, nous avons le Comité de direction. C’est la distinction qui était prévue dans la directive CRD4 entre les fonctions de direction effectives d’un établissement de crédit et les fonctions de surveillance et de contrôle. Le Comité de direction est le capitaine du navire avec autour de lui une série de contrepoids et des exigences de communication, d’information, de transparence, etc. »
Quatre Comités consultatifs
Jean-Pierre Buyle : « A côté de ce Comité, la Loi bancaire a confirmé la nécessaire existence de quatre Comités consultatifs à créer au sein du Conseil d’administration. Le Conseil d’administration reste en réalité l’organe collégial de décision de la banque. La Loi bancaire introduit l’exigence non plus de deux mais de quatre Comités.
Ces Comités consultatifs doivent en principe être chacun composé de membres non exécutifs du Conseil d’administration mais en plus d’au moins un administrateur indépendant. C’est une belle opportunité dans le monde du travail et particulièrement pour les femmes de suivre des formations pour être administrateur. Aujourd’hui, on ne remplit pas un mandat d’administrateur comme on fait un métier en fin de journée du type agent d’assurance ou démonstrateur de produits dans des cercles très fermés. Il y a dorénavant une exigence de professionnalisation de cette fonction.
En principe, chaque membre ne peut siéger dans plus de deux Comités. Avant la Loi bancaire, il y avait déjà le Comité d’audit et le Comité de rémunération. A présent s’ajoutent deux nouveaux: le Comité des risques, dont nous avons déjà souligné l’importance de cette notion dans la Réforme, et le Comité de nomination.
Bien sûr, pour les petites banques, on sera peut-être moins exigeant et il ne faudra peut-être pas créer ces deux Comités supplémentaires. Le dialogue avec la BNB sera sur ce point constructif.»
Comité d’audit
Jean-Pierre Buyle : « Le Comité d’audit va s’occuper du suivi des processus d’élaboration de l’information financière. Il est étonnant de voir l’importance prise par le devoir d’information dans le chef des entreprises financières ces dernières années. La plupart des grandes décisions de jurisprudence qui ont été prononcées que ce soit l’affaire Confederation Life, les affaires Fortis, les affaires en matière d’OPA, les affaires en matière de responsabilité du dispensateur de crédit consommation hypothécaire ou aux PME, les informations en matière de conditions de compte visent essentiellement le devoir d’information. D’où l’importance de ce Comité d’audit dans sa première fonction, le suivi des processus d’élaboration de l’information financière. Le Comité s’occupe aussi de la bonne marche des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques. On voit régulièrement à la une des journaux des banques qui sont confrontées à des fraudes internes ou externes. C’est ce Comité d’audit qui doit être le gendarme interne des banques et s’occuper de ce suivi. Il suit aussi l’audit interne, le contrôle légal des comptes annuels et veille à l’indépendance du commissaire agréé.
Il est très difficile d’avoir une indépendance au sein d’une entreprise particulièrement lorsqu’elle est grande. L’indépendance dont on parle ici n’est pas une indépendance liéé à l’absence de liens de subordination. C’est une indépendance intellectuelle qui fait en sorte que les décisions les plus judicieuses puissent être prises dans l’intérêt de la personne morale, des actionnaires, du personnel et finalement aussi peut-être parfois dans l’intérêt de la société de manière plus générale. »
Comité des risques
Jean-Pierre Buyle : « Ce Comité des risques est au coeur du débat. Il conseille le Conseil d’administration pour les aspects qui concernent la stratégie et la mission en matière de risques, c’est-à-dire les leçons du passé, les risques actuels et les risques futurs. Il s’agit de voir jusqu’à quel niveau de tolérance on peut aller en matière de risques. Il y a une ligne que l’on doit fixer, une ligne rouge. Si l’on est en dessous de cette ligne, c’est bien mais on gagne moins d’argent. Si l’on est au-dessus, on gagne peut-être plus d’argent mais on prend des risques anormaux. On met l’entreprise en danger et on se met hors la loi en quelque sorte que ce soit la Loi bancaire dont on parle et toute la législation européenne en la matière ou les lois de l’entreprise, codes de bonne conduite de l’entreprise, corporate governance, etc. »
Comité de rémunération
Jean-Pierre Buyle : « On se rappelle que lors de la crise, on a beaucoup critiqué la rémunération de certains banquiers particulièrement ceux qui travaillaient dans les salles de marché. On a critiqué les parachutes dorés, les bonus, l’importance des rémunérations variables. Ici, le législateur intervient et demande que ce Comité prenne les choses plus en mains qu’il ne le faisait de par le passé. Ce Comité doit examiner notamment si les régimes des incitants, des bonus, des primes ne peuvent pas conduire à la prise de risques excessive ou à des comportements qui poursuivent d’autres intérêts que celui de la banque. On a vu souvent encourager certains directeurs d’agence à vendre des produits risqués que souvent ils ne comprenaient pas et plus ils les vendaient, plus la partie variable de leurs rémunérations augmentait. Il y avait un réel conflit d’intérêt entre l’intérêt de l’employé et du client.
La loi a prévu en matière de rémunération plusieurs règles contraignantes et il faut reconnaître que la Belgique est allée assez loin et même plus loin que certains Etats membres de l’Union européenne. Par exemple, la limitation de la rémunération variable à 50 % de la rémunération fixe. C’est une vraie révolution dans les salles de marché. Cette limitation peut être peu importante par rapport à d’autres pays. Par exemple, pour la France et l’Allemagne, cette rémunération variable peut aller jusqu’à 100 % de la rémunération fixe mais dans d’autre pays comme les Pays-Bas, la limite est plus stricte encore, puisque le variable est limité à 20 %.
On peut se poser la question de savoir si ce plafond de 50 % ne devrait pas être modulé selon la taille l’entreprise. Tout le monde n’est pas égal devant la rémunération. Plus vous êtes dans une entreprise importante, plus vous avez des chances que la masse critique permette de fixer des rémunérations plus importantes. Est-ce que pour les petites banques qui souvent ont eu une politique de risque plus rigoureuse, on ne devrait pas moduler ce pourcentage de la rémunération variable? C’est un point auquel il faudrait réfléchir…
Autres règles contraignantes : l’interdiction de garantir une rémunération variable dans les contrats et l’obligation de prévoir qu’une partie substantielle de la rémunération variable sera étalée dans le temps et payée en instruments financiers. La loi prévoit également des règles en matière de parachutes dorés pour éviter de connaître ce que l’on connu en 2008 et juste après la crise, avoir des CEO de banque qui avaient conduit leur entreprise à la dérive, se voir remercier et voir l’entreprise devoir payer des montants substantiels lors de leur sortie.
Ce n’est pas propre uniquement aux établissements de crédit. On l’a vu dans d’autres entreprises, même nationalisées, dans le domaine des télécommunications. »
Comité de nomination
Jean-Pierre Buyle : « Le Comité de nomination est nouveau. Son objectif est de professionnaliser les organes de surveillance et de faire en sorte que l’on nomme les meilleures personnes aux meilleures places. »
(A suivre)
Jean-Pierre Buyle, Avocat, Partner Buyle Legal, ancien bâtonnier du Barreau de Bruxelles



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