Réforme de la Loi bancaire et gouvernance : Une évolution positive, légitime, rigoureuse qui tient compte des enseignements de la crise financière (4)

17 avril 2016

Alain Deladrière
Dans ce quatrième et dernier volet, après avoir disséqué les fonctions de contrôle, nous abordons les conclusions à tirer de cette Réforme de la Loi bancaire et le mémorandum de gouvernance que doivent établir les établissements de crédit en se référant au Manuel de gouvernance de la BNB. « Ce n’est sans doute par une révolution. Mais c’est une évolution positive, légitime, rigoureuse qui tient compte des enseignements de la crise financière », souligne Jean-Pierre Buyle.
La Loi bancaire comprend aussi un arsenal d’autres règles à propos des dirigeants des établissements de crédit en matière de nomination, de démission, de direction effective, d’interdiction et de cumul de mandats. C’est un des mouvements actuels de la législation bancaire et financière, législation qui est devenue sans doute la plus technique et la plus complexe qui soit.
Jean-Pierre Buyle : « Quand j’ai commencé mon métier, c’était sans doute le droit fiscal qui était le plus technique. Aujourd’hui, c’est résolument le droit bancaire et le droit financier. Parce qu’il y a des dispositions internationales, des dispositions européennes, des directives mais le plus souvent aussi des règlements qui sont les mêmes dans les 28 Etats membres pour essayer de faire en sorte d’avoir le même socle réglementaire et d’éviter du protectionnisme national. Dans les pays du sud, avant la Réforme bancaire, on avait sans doute une approche des règles moins soucieuse de la rigueur. Aujourd’hui, il y a un socle européen qui essaie d’être le même pour tout le monde. S’ajoutent aussi des règles fédérales et nationales, et la Belgique a souvent, particulièrement dans cette nouvelle Loi bancaire, voulu laver plus blanc que blanc, édicter des règles qui n’existaient pas encore au niveau européen ni dans d’autres Etats membres. Je pense, par exemple, à la réglementation sur la séparation et la structuration des activités bancaires. Alors que la directive a battu de l’aile au niveau européen, la Belgique en 2014 a anticipé ce que l’Europe n’avait pas encore tout à fait décidé. Ce qui fait que l’on arrive à des règles parfois différentes d’un Etat membre à un autre, avec des entreprises qui font du shopping réglementaire au niveau des différents pays européens. »
Risk & Compliance Platform Europe: Que penser de cette Réforme en matière de gouvernance?
Jean-Pierre Buyle: « Ce n’est sans doute par une révolution. Mais c’est une évolution positive, légitime, rigoureuse qui tient compte des enseignements de la crise financière. Lorsqu’il y a eu la crise, le gouvernement avait sollicité différents experts. Différents comités avaient été créées (Lamfalussy, etc.) avec comme objectifs, et j’en retiens trois à ce stade: un, l’amélioration de la supervision des contrôles au niveau du Conseil d’administration et donc le renforcement des pouvoirs de ce dernier; deux, une meilleure gestion des risques. Evidemment que le risque zéro n’existe pas et que pour avancer, il faut prendre des risques. Ce sont des entreprises commerciales qui doivent dégager des gains pour subvenir au paiement des frais et des charges mais également pour distribuer des dividendes à ceux qui leur font confiance, qui sont les actionnaires et résister à la concurrence internationale, la Belgique étant une goutte d’eau dans l’océan. Nous avons un secteur bancaire et financier dont on n’a pas à rougir et qui a une réputation financière mondiale quand même assez positive. Le troisième objectif ou enseignement que je retiens des règles qui ont été édictées, c’est le renforcement des exigences applicables aux dirigeants, à savoir compétence, disponibilité, fit and proper, limitation des mandats, interdictions professionnelles. Il y a vraiment une volonté de confier la direction effective des banques à des personnes qui sont compétentes et surtout intègres. Parce que des leçons de la crise au départ immobilière et puis financière et bancaire, devenue ensuite une crise économique, nous avons été confrontés à une crise de valeurs, les valeurs essentielles propres aux professions libérales qui sont l’indépendance, la loyauté, la probité, le respect des règles en matière de conflits d’intérêt, la dignité; ces règles essentielles ont été malheureusement bafouées ou peu respectées au profit d’une société basée sur le lucre, les bénéfices et les bonus. »
Jean-Pierre Buyle, Avocat, Partner Buyle Legal, ancien bâtonnier du Barreau de Bruxelles

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