Rendre sa grandeur à l'Amérique ?

04 juillet 2016

Paul Broholm
À l’heure actuelle, l’élection de Donald Trump semble peu probable. De fait, les délégués à la convention républicaine qui se tiendra ce mois-ci pourraient très bien se rebeller et désigner un autre candidat à la Maison blanche. Même si Trump est désigné, les opinions négatives qu’il suscite (et les avantages démographiques structurels en faveur de la candidate démocrate) rendraient Hillary Clinton très difficile à battre.
Toutefois, comme en témoigne le résultat du référendum sur le Brexit, l’investisseur bien préparé doit envisager divers scénarios et examiner les conséquences éventuelles de chacun d’entre eux, même des plus improbables.
Il est extrêmement difficile de prévoir l’impact économique d’une élection de Trump, d’autant que les positions qu’il défend évoluent au quotidien. De même, rien ne garantit que le Congrès serait disposé à valider lesdites positions.
Cela étant, si l’on exclut certaines de ses propositions les plus extrêmes, les principaux éléments de la plateforme économique de Trump sont les suivants :

  • Fortes réductions d’impôts (se traduisant par une baisse des recettes estimée à environ 9 500 milliards sur 10 ans)
  • Augmentation des dépenses militaires, sans coupe dans les budgets de l’assurance-maladie (Medicare) ou de la sécurité sociale
  • Déportation (volontaire ou forcée) de près de 11 millions d’immigrants sans papiers
  • Droits de douane élevés sur les marchandises importées de Chine et sur les produits importés de toute société américaine ayant délocalisé sa main d’œuvre à l’étranger

En supposant que toutes ces mesures soient mises en œuvre, l’effet immédiat serait stimulant : l’économie intérieure serait dopée par la hausse des dépenses publiques et par l’augmentation des salaires versés par les employeurs se faisant concurrence pour remplacer la main d’œuvre immigrée moins chère.
Mais cet effet positif ne durerait pas longtemps dans la mesure où les droits de douane punitifs et la hausse des coûts de la main d’œuvre seraient répercutés sur les consommateurs sous la forme d’une hausse des prix.
Des droits de douane pourraient également être imposés à titre de rétorsion (la Chine et le Mexique représentent un tiers des exportations américaines de produits non pétroliers), ce qui pèserait sur la rentabilité des entreprises et, vraisemblablement, sur l’activité de recrutement.
À plus long terme, les États-Unis connaîtraient une hausse de l’inflation liée à l’augmentation des coûts, des salaires et des emprunts contractés par l’État pour financer un déficit annuel supplémentaire d’un milliard de dollars. Ce qui, en retour, contraindrait la Réserve fédérale à relever les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, entraînant une baisse de l’emploi, voire une récession intérieure.
L’analyse effectuée par Moody Analytics aboutit aux conclusions suivantes pour les États-Unis :

  • Le chômage passerait de 5,5 à 7 % (soit une perte de 3,4 millions d’emplois)
  • L’inflation passerait de 1 à 4,2 % (contraignant la Fed à relever les taux d’intérêt)
  • La dette publique passerait d’environ 75 % du PIB à plus de 130 %
  • Les taux des bons du Trésor à 10 ans passeraient de 2,4 à 6,7 %

Les partisans de Trump rejettent cette analyse et insistent sur l’effet de stimulation provoqué par les réductions d’impôts. Mais l’histoire montre que les réductions d’impôts sont loin d’être un remède souverain.
En témoigne l’expérience désastreuse menée par l’État du Kansas qui, après avoir considérablement baissé ses impôts en 2012, a depuis enregistré une croissance nettement plus lente que celle de ses États voisins comme le Nebraska et le Missouri. Les agences de notation ont prévenu qu’elles envisageaient d’abaisser la note du Kansas en raison de ses déficits croissants.
Si Trump parvient à ses fins, la même chose pourrait se produire aux États-Unis. Ce qui soulève la question suivante : quel impact son élection aurait-elle sur le reste du monde ?
Une récession aux États-Unis influerait bien entendu de manière négative sur la croissance internationale, mais une guerre commerciale internationale constituerait un danger encore plus grave pour l’économie mondiale.
Il semble assez probable que Trump annulerait de manière unilatérale de nombreux traités commerciaux importants, et il n’est pas difficile d’imaginer un tel Président imposant, par excès d’humeur, des droits de douane ou d’autres mesures de rétorsion à un pays qui l’aurait contrarié.
La possibilité d’une guerre commerciale internationale ne peut donc pas être écartée, ce qui entraînerait une hausse des coûts pour les consommateurs à l’échelle mondiale et l’entrée en récession de nombreux pays.
Les orientations politiques et diplomatiques du Président Trump pourraient également avoir des conséquences économiques, mais il est inutile de spéculer à ce sujet. La politique étrangère ne semble pas l’intéresser, son seul déplacement à l’étranger dans le cadre de sa campagne s’étant limité jusqu’à présent à une visite chaotique du terrain de golf Trump Turnberry en Écosse au lendemain du référendum britannique.
Au final, nul ne sait réellement comment ce candidat présidentiel, le plus insolite de l’histoire des États-Unis parmi les candidats des grands partis, mènerait sa politique. Mais il ne fait aucun doute que la plateforme économique qu’il a adoptée jusqu’ici serait extrêmement néfaste pour les États-Unis et le reste du monde.
Paul Broholm est Chief Investment Officer chez Theodoor Gilissen, société du réseau KBL European Private Bankers, également présent en Belgique sous le nom de Puilaecto Dewaay.

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