Un homme averti en vaut deux

28 juin 2017

Selon Richard Jackson, Director of Research, Economics & Country Risk chez IHS Markit, il est possible de concevoir une approche structurée de la prévision des risques.

Pour les entreprises, il est plus important que jamais de comprendre l’environnement des risques politiques dans lequel elles opèrent. Dans les faits cependant, rassembler et évaluer les informations relatives au risque politique, et agir en fonction de celui-ci, constituent une tâche titanesque.

Richard Jackson travaille au sein de l’équipe Country Risk chez IHS Markit. Il est spécialisé dans les analyses de risques politiques et terroristes et les services prévisionnels destinés aux sociétés. Il a partagé quelques conseils avisés avec les participants du Chubb Multinational Risk Forum.

Le traitement d’énormes quantités de données, comprenant de vraies informations et des fake news, issues des réseaux sociaux, des médias traditionnels, des médias audiovisuels et de sources humaines est, en soi, un vrai défi. « Comment isoler le signal dans le bruit ambiant ? Comment identifier ce qui est important pour comprendre l’environnement des risques dans lequel vous opérez ? Plus crucial encore, comment le faire dans un laps de temps suffisant pour permettre le jugement, l’analyse et les prévisions, et faire en sorte que ceux qui prendront une décision sur cette base auront, eux aussi, le temps de décider ? », telles sont les questions posées par Richard Jackson. Il a également expliqué le besoin de collecter, d’identifier et d’analyser les données, pour ensuite proposer une vue non biaisée de l’environnement des risques. « C’est très humain de chercher l’information qui confortera notre vision du monde. Lorsque vous tombez sur quelque chose qui ne correspond pas à cette vision, vous aurez tendance à l’ignorer, ou à l’interpréter de manière à la faire correspondre », a-t-il précisé. « Ce n’est pas une critique. Comme les études scientifiques l’ont montré, c’est la manière de fonctionner des êtres humains. »

Eléments clés

Selon Jackson, la mise en place d’un système de données de gestion des risques comporte plusieurs éléments fondamentaux. Il convient d’abord d’identifier les renseignements dont on a besoin pour évaluer les menaces et les risques, et pour éclairer les décisions importantes qui doivent être prises.

Les questions essentielles à se poser sont :

-Que voulez-vous savoir ?

-Quels sont les risques qui vous préoccupent ?

-Quels sont les secteurs qui vous préoccupent ?

-Quels sont les pays qui vous préoccupent ?

-Quelles sont vos ressources ?

-Dans quelle mesure êtes-vous exposé ?

-Quelle est votre appétence au risque ?

« Selon ce principe, plus vos questions seront précises, plus les informations que vous collecterez seront, elles aussi, précises », a confirmé Jackson. Après avoir formulé vos questions, la phase suivante est de trouver la manière la plus efficace et la plus efficiente de collecter les informations requises pour assurer une alerte rapide et prévenir les crises. « Prenez la question spécifique du risque posé par les combattants de retour de Syrie et d’Irak. Où puis-je commencer ma collecte de données sur le sujet ? Impossible à dire en fait. Quels sont les autres groupes qui ont fait allégeance ou qui apportent leur soutien ? Voilà une information qu’il est possible de rechercher. Je peux rassembler des déclarations, reprises sur des forums djihadistes internet. Les rapports officiels de police me donneront une idée des forces en présence et de leurs capacités. Mises ensemble, toutes ces informations utiles me permettront de répondre à la question. »

Les renseignements recueillis devront être examinés dans la durée. Ils ne devront pas servir de base à une action immédiate, on évitera ainsi de tirer des conclusions hâtives. « Un groupe terroriste doit disposer d’explosifs, d’un détonateur ou d’un minuteur. Il doit avoir les connaissances pour assembler tous ces éléments, sans être identifié ou arrêté », a expliqué Jackson. Dans cette hypothèse, selon Jackson, des données peuvent être collectées pour chaque étape prise individuellement. « Combien de personnes ont été arrêtées pour avoir tenté d’acheter de grandes quantités eau de Javel? Combien de personnes ont été arrêtées pour avoir laissé des messages sur Twitter ? » « Une collecte d’informations structurée, même si elle est imparfaite et ne permet pas de se débarrasser des biais de confirmation, vous donnera la possibilité de mieux faire les choses. »

La menace terroriste identifiée

Pour illustrer l’efficacité d’un processus structuré de collecte de données, Richard Jackson a mis en avant l’exemple concret d’un client, actif dans le transport maritime, qui souhaitait connaître son exposition au risque dans le Détroit de Bab Al-Mandeb pour les 12 prochains mois. Ce détroit sépare la Péninsule arabique (Yémen) de la Corne de l’Afrique (Djibouti et l’Erythrée). Après des recherches sur les groupes rebelles au Yémen, IHS a établi un modèle très simple comprenant cinq indicateurs pour chacun des scénarios suivants :

-augmentation des risques pour le transport maritime commercial ;

-diminution des risques pour le transport maritime commercial ;

-maintien du niveau actuel de risque.

En juillet 2016, tous les indicateurs du scénario d’un accroissement des risques étaient réunis. Il en fut de même en août et en septembre. A la fin du mois d’octobre, trois mois après l’élévation du risque, deux attaques au lance-roquette ont touché des pétroliers au large de la côte yéménite. « Cet exemple montre qu’une approche structurée, qui indique quand le changement de risque s’opère, permet d’agir de manière impressionnante », a confirmé Jackson. « Dans les faits, le client a eu trois mois pour mesurer, sur base des renseignements, les risques qu’impliquait l’utilisation de cette route. »

Les yeux tournés sur 2017

Interrogé à propos de possibles catalyseurs de risques dans les années à venir, Richard Jackson a mentionné le rôle croissant de la technologie et de l’automatisation en particulier. « L’un des piliers du changement sera l’automatisation et l’utilisation toujours plus grande de la technologie pour des tâches qui sont, aujourd’hui encore, effectuées par des êtres humains », a-t-il précisé. « Les conséquences toucheront directement l’emploi, le sous-emploi et les changements sociétaux. Elles causeront également des mouvements de population d’une région du monde vers une autre. » 
Pour Jackson, le potentiel ne se limitera bientôt plus au travail physique ou aux activités manuelles. D’autres secteurs seront concernés, et notamment celui de l’analyse. Sa conclusion : « La question de l’automatisation ne touchera plus uniquement la classe ouvrière ; elle se posera potentiellement à tous les travailleurs. »

 

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