Un point sur la situation en Ukraine

27 janvier 2022

Frédéric Rollin

Le renforcement sans précédent des forces russes près de l’Ukraine et en Biélorussie se poursuit. Les exercices prévus du 10 au 20 février en Biélorussie fourniront à la Russie une excuse officielle pour déployer encore plus de troupes dans la région. Des cyberattaques massives visant les infrastructures et les opérations de désinformation visant à déstabiliser et démoraliser le pays se multiplient.

Les marchés s’inquiètent. La bourse russe a plongé et les marchés mondiaux, déjà fragilisés par la Réserve fédérale, connaissent de violentes variations. 

LES DEMANDES DE LA RUSSIE

– Un engagement juridique selon lequel l’Ukraine ne rejoindra jamais l’OTAN.

– Un engagement de non-extension de l’OTAN aux anciennes républiques soviétiques, comme la Géorgie.

– L’interdiction pour l’OTAN de déployer des forces armées dans les pays d’Europe centrale et orientale qui l’ont rejoint après 1997 : Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie, Roumanie, Slovénie, Croatie, Monténégro, Albanie, Macédoine du Nord et Bulgarie.

– L’interdiction des missiles de portée intermédiaire en Europe, rétablissant ainsi le traité sur les forces nucléaires (INF) signé en 1987 par les présidents Reagan et Gorbatchev et abandonné en 2019 par l’administration Trump. Le vice-ministre des affaires étrangères Sergei Ryabkov s’est montré très clair : « Nous avons besoin de garanties blindées, imperméables, à l’épreuve des balles, juridiquement contraignantes. Pas des assurances. Pas des sauvegardes. Des garanties ».

LES RÉPONSES DES ETATS-UNIS ET DE L’OTAN

Les États-Unis font valoir que tous les pays ont le droit de choisir leurs propres alliances et que l’OTAN a depuis longtemps une « politique de la porte ouverte » pour les adhésions potentielles. Un engagement juridiquement contraignant de ne pas étendre l’alliance n’est pas envisageable.

– L’engagement à ne pas s’étendre à l’Est a été rejetée. L’OTAN a déclaré que ce sont précisément les actions de la Russie qui ont conduit les forces de l’OTAN à être déployées dans les nouveaux États membres.

LA NÉGOCIATION

Les deux positions semblent à première vue irréconciliables. Il existe néanmoins des zones de compromis. – L’OTAN considère l’exigence de la Russie d’interdire les missiles à portée intermédiaire comme négociable.

– Au cours d’une conférence de presse, M. Biden a déclaré que les États-Unis « pourraient trouver un arrangement » avec la Russie pour que l’OTAN n’envoie pas d’armes stratégiques en Ukraine.

– Lors de cette même conférence de presse, il a réaffirmé qu’il était « peu probable » que Kiev rejoigne l’alliance de sécurité occidentale « à court terme ».  S’il y a peu de chances que les demandes de la Russie soient acceptées, Poutine peut décider que des garanties informelles seront suffisantes pour poursuivre les pourparlers et préférables à une action militaire coûteuse contre et à des sanctions sévères.

LES SANCTIONS

Outre le coût exorbitant d’une action militaire, la Russie devra faire face à des sanctions. L’administration américaine est réputée travailler sur les suivantes :- Le retrait de la Russie de l’intermédiaire SWIFT des transactions financières entre les banques,

– Le blocage de l’accès des banques russes au dollar américain pour les opérations de compensation,

– Des sanctions ciblées sur les entreprises énergétiques russes,

– Des restrictions sur l’accès à la technologie et aux produits de consommation américains, y compris les puces et les téléphones.  Il nous semble que les Etats-Unis ne déploieront ces mesures dans leur ensemble que si la Russie venait à occuper de grandes parties de l’Ukraine. A l’opposé, une expansion modérée dans les territoires contrôlés par les séparatistes pro-russes ne devrait pas déclencher des réponses aussi radicales que les deux premières. Lors d’une conférence de presse tenue le 19 janvier, M. Biden a suggéré qu’une « incursion mineure » de Moscou pourrait amener les pays occidentaux « à se battre sur ce qu’il faut faire et ne pas faire ». Ceci confirme pour nous l’existence d’une zone grise concernant le seuil et la proportionnalité des réponses américaines et européennes.

De son côté l’Europe, déjà affectée par l’épidémie et dépendante du gaz russe, sera réticente à pénaliser son économie sur la base d’une invasion mineure dans le Donbass.

QU’ATTENDRE ?

A ce stade, une invasion du territoire Ukrainien à grande échelle nous semble improbable. Les coûts et les conséquences d’une telle opération sont dissuasifs. En revanche, nous pourrions voir les forces russes entrer officiellement dans le Donbass. Un renforcement de la présence militaire russe en Transnistrie est également à considérer. L’accumulation massive de troupes russes autour de l’Ukraine empêchera alors le pays de riposter.

L’Allemagne et la France seront probablement réticentes à adopter des sanctions très punitives. La situation ressemblera alors largement à celle précédent les accords de Minsk de 2015. L’OTAN devra toutefois réagir pour ne pas saper sa crédibilité vis à vis de Kiev et dissuader Moscou d’aller plus loin.

Par Frédéric Rollin, Senior Investment Adviser Pictet Asset Management.



  • Maxime G.

    Les USA mènent une politique agressive depuis quelques années en déployant des armes offensives aux frontières russes. Il est clair que la Russie déstabilise la région et ne cédera jamais la Crimée. Elle opère un déploiement de troupes et de blindés aux portes du Donbass mais également tout le long de la frontière nord de l’Ukraine, notamment en Biélorussie. Avec le déploiement de troupe en Transnistrie, la Russie aurait alors la possibilité d’envahir l’Ukraine par le sud si la situation venait à dégénérer de part et d’autres (OTAN/USA ou Russie).

    Les Etats-Unis ont récemment accordé aux pays baltes (où se trouvent des bases et troupes de l’Otan) l’autorisation de pouvoir expédier des armes de fabrication américaine vers l’Ukraine. En cas de guerre, la Russie pourrait créer une frontière militarisée entre Kaliningrad et la Biélorussie, bloquant ainsi toute opposition militaire venant des pays baltes.

    La situation actuelle pose question. Devons-nous restez dans l’Otan ? S’aligner à une politique agressive menée par les USA (dont la situation économique les pousse peut-être dans ce sens) peut d’avérer risquée, tant d’un point de vue militaire (force nucléaire russe) que d’un point de vue économique (gaz russe). Prudence est mère de sûreté, les citoyens français ne veulent pas, je pense, être liés à ce conflit.

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