Actions britanniques : moins d’artifices, plus d’étincelles!

08 février 2022

Richard Colwell

En 2021, les investisseurs en actions britanniques ont commencé à se sentir un peu moins seuls. Début décembre, l’indice FTSE 100 s’adjugeait plus de 10%1 depuis le début de l’année et les sociétés britanniques ont recommencé à verser des dividendes après la mise à l’arrêt de l’économie induite par la pandémie début 2020, quand tout espoir semblait envolé.

En effet, depuis que le marché a atteint ses planchers en mars 2020, le FTSE 100 a grimpé de plus de 40%. Mais ce n’est rien comparé au train fou qu’est l’indice S&P 500 américain, qui a plus que doublé sur cette même période.2

En fait, malgré une excellente année, le Royaume-Uni reste relativement mal-aimé. Au cours des 10 premiers mois de 2021, les investisseurs ont retiré 8 milliards  de  livres  sterling  des fonds d’actions britanniques sur un total de 235 milliards de livres sterling.3 Cinq des six années qui ont suivi le référendum sur le Brexit de 2016 ont ainsi donné lieu à une décollecte. Un hedge fund a désigné le Royaume-Uni comme le « Jurassic Park des bourses », les investisseurs se désintéressant des valeurs de croissance pour ne privilégier que de substantiels versements de dividendes.4

L’absence de valeurs technologiques n’y est pas étrangère, compte tenu de la domination sans partage des géants technologiques américains sur les marchés internationaux depuis 2018 (figure 1). Mais si l’on  ignore  les  six  grands noms du secteur des technologies (Alphabet, Apple, Amazon, Facebook, Netflix et Microsoft), la performance de l’indice S&P apparaît soudainement beaucoup plus ordinaire. De même, le Nasdaq est résolument dans le rouge depuis le début de l’année sans ses cinq poids lourds technologiques.5

Figure 1 : La capitalisation boursière d’Apple dépasse celle de l’ensemble du FTSE 100

Source : Refinitive Datastream, décembre 2021.

Gare au « bezzle »

Un trait marquant de cette période a également été ce que l’économiste JK Galbraith a appelé le « bezzle » (l’illusion de création de richesse) dans les années 1920, à savoir une accumulation de chocs néfastes, passés inaperçus, qui se sont produits durant les périodes fastes, et qui ne se révèlent que lorsque les conditions se dégradent. Toute une génération apprend à négocier des crypto-monnaies et des NFT (jetons non fongibles) plutôt que des actions, et lorsqu’elle s’aventure sur les marchés, c’est pour se tourner vers les titres « meme » devenus très populaires auprès des petits porteurs fréquentant assidûment les réseaux sociaux.

Lorsque les temps seront plus difficiles, ces capitaux moutonniers pourraient se retrouver exposés à des actifs artificiellement gonflés dont les cours s’effondreront rapidement. Les filets de sécurité mis en place par les banques centrales ont conditionné les investisseurs à acheter lors des replis, mais ils ont en réalité rendu l’ensemble du système plus fragile. Un choc tel que celui que constituerait l’inefficacité partielle des vaccins face au variant Omicron du virus SARS-CoV-2 pourrait déclencher un plongeon vertigineux des actions.

De retour

Le Royaume-Uni, quant à lui, suit tranquillement son petit bonhomme de chemin. La volatilité consécutive à l’accord post-Brexit semble s’être apaisée. Pour la première fois depuis le référendum, JP Morgan a récemment adopté un positionnement haussier sur les actions britanniques,6 tandis qu’au cours de l’été, Bloomberg a salué « la renaissance des introductions en bourse à la City », le nombre de nouvelles cotations ayant bondi de 467% au cours des six premiers mois de 2021 pour une valeur totale de 20 milliards de dollars. Dans le même temps, le marché britannique offre toujours des opportunités d’arbitrage de valorisation et reste bon marché : l’activité de fusions-acquisitions atteint des niveaux record et profite de l’affaissement de la livre sterling qui est tombée à un plus bas de 35 ans face au dollar. Depuis le début de l’année, 12 transactions dépassant les 500 millions de dollars ont été réalisées sur le marché britannique – le nombre le plus élevé depuis 2007 – pour un montant moyen de 2,6 milliards de dollars, proche du plus haut historique. Dans ce contexte, les investisseurs en capital-investissement ont déboursé 10 milliards de dollars de primes sur les marchés boursiers dans le cadre d’opérations d’arbitrage de valorisation – un niveau record – à l’instar de celle concernant la chaîne de supermarchés Morrisons.7

Selon le Stratégiste de marché en chef de JP Morgan, la majorité des investisseurs en actions actuels ne fondent pas leurs décisions d’achat ou de vente d’actions sur les caractéristiques fondamentales propres à chaque titre.8 C’est néanmoins ainsi que nous procédons. Le marché britannique est bien plus nuancé qu’on ne l’imagine. Il se prête particulièrement bien à la sélection de titres et nous disposons de l’équipe adéquate pour ce contexte. Nous connaissons la qualité de certaines entreprises parce que nous dialoguons avec elles. C’est un aspect essentiel de notre processus et que nous prenons au sérieux.

Ce nombre croissant d’investisseurs passifs et de gestionnaires axés sur le trading signifie que nous avons voix au chapitre sur la gestion des entreprises. A cet effet, nous échangeons activement avec elles afin de comprendre les raisons qui expliquent leurs performances et exprimons notre opinion sur les questions de gestion et de gouvernance. Nous n’hésitons pas à émettre un vote défavorable sur certaines questions, mais nous sommes confiants dans notre processus et disposés à expliquer notre point de vue.

Perspectives

Bien que le marché britannique se soit nettement redressé, il demeure une alternative fiable à des marchés plus fortement valorisés et surinvestis et il a encore de beaux jours devant lui. Le marché ne se résume pas aux seuls secteurs des banques et des matières premières. Notre processus de recherche fondamentale nous permet de dénicher les « joyaux cachés », tout en gardant un œil sur les valeurs mal aimées qui ont déçu mais qui restent néanmoins de bonnes entreprises. Parallèlement, nous dialoguons activement avec elles afin de comprendre pourquoi elles performent de la sorte. Nous nous montrerons pragmatiques et patients à mesure que le Royaume-Uni, qui se redresse, offre les opportunités promises.

1 Bloomberg, Decembre 2021.

2 Bloomberg, Decembre 2021.

3 Morningstar data, Novembre 2021.

4 Daily Telegraph, London’s stock market still punched above its weight, 3 Decembre 2021.

5 S&P Global Market Intelligence, 6 Decembre 2021.

6 Daily Telegraph, London’s stock market still punched above its weight, 3 Decembre 2021.

7 JP Morgan Conference, Novembre 2021.

8 https://www.cnbc.com/2017/06/13/death-of-the-human-investor-just-10-percent-of-trading-is-regular-stock-picking-jpmorgan-estimates.html

Richard Colwell, Head of UK Equities Columbia Threadneedle Investments.



Laissez une réponse

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués *